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Dialogue sous un chêne

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Catherine TARTANAC, peintre

Je ne suis pas allée vers la peinture, elle est venue à moi, elle était là comme de ces choses évidentes qui sont sous nos yeux, et dont on ne mesure pas encore l’importance. Comme un paysage vers lequel nous marchons, dont nous ne devinons que quelques bribes au début, puis se précise peu à peu au fur et à mesure de notre progression ; Il prend de l’ampleur, il s’agrandit, et se dévoile enfin dans son entièreté et sa présence magnétique.

La peinture est un Autre, qui accompagne mes questions, mes émotions, mes relations chaotiques et passionnées avec le sacré de la vie et ses reflets infinis. Je suis une autodidacte qui dessine et peins depuis mon enfance. Dans ma famille, figurent quelques artistes ébénistes (école de Nancy), musiciens, peintres. Depuis longtemps, à partir du blanc de la toile ou du papier, je pose mes sentiments, mes sensations et mes pensées guidée par une pulsion de vie.

Mon médium favori est l’huile, que je trouve si sensuelle, difficile, lente à travailler sur de la toile souvent de grand format. Je mélange, j’ajoute, j’enlève, je « cuisine » pigments et huiles, sable et parfois l’or. De mes toiles peintes ou de mes papiers émergent librement des profondeurs, lumières, ombres, évidence des couleurs.

Je dessine beaucoup de petites séries, (plomb, fusain, pierre, ou encres) d’après la nature : végétaux, horizons, montagnes, rochers, mer… mais aussi d’après des fresques ou des tableaux mythologiques, bibliques centrés sur le corps et la figure humaine. J’explore et collectionne les effets produits, mouvements, lignes de fuite, perspective, n’en garde souvent que la trace. Dans mon atelier, j’ai des cartons remplis de petites choses « insignifiantes », dessins, peintures qui prennent dans mon travail un pouvoir de catalyseur, ou déclencheur de mon inspiration. J’ai mes sentiers au risque de l’inconnu, ma mise en œuvre va et vient entre imaginaire et réalité de la matière, échecs, recommencements et moments de grâce.

Curieuse, j’aime explorer le nouveau, associer, expérimenter. Défiant l’enfermement je scrute sans cesse l’empreinte de l’Infini qui nous entoure, « ce sentiment mystérieux d’une transcendance éclatant dans l’ordre naturel du monde dans le quotidien » (Jean BAZAINE Le temps de la peinture). Ma démarche artistique tente de relier ces niveaux complexes: ce lien entre l’infini qui nous traverse, l’inquiétude qu’il génère et à la fois la nécessité absolue de sa présence. Rien n’est joué à l’avance, mais c’est cette aventure qui donne sens à mon travail.Je suis passée peu à peu du paysage encore figuratif (années 95) vers plus d’abstraction. Pour donner un écho métaphysique, j’aime le grand format, le multiple (triptyque, diptyque, polyptyque) qui submerge le corps.

Depuis quelques années des inclusions figuratives intuitives se dessinent sur mes toiles, j’explore la peinture sur papier que je maroufle. De cette veine sont sorties les séries des murmures et sentiments, des Géants, et du tableau périodique des éléments de la vie.

Mes influences sont un merveilleux tissage de fils hétéroclites. J’aime la nature et le ciel. J’aime la peinture, la regarder, et j’aime les peintres. Certains me touchent et me bouleversent, Bruegel, Goya, Klimt puis Pollock, Joan Mitchell, Zao Wou-Ki, dont les toiles révèlent un si fulgurant sentiment de liberté. Manessier dont la rétrospective en 1992 au grand palais à Paris fut pour moi un choc fondateur, une révélation de la véritable puissance de la peinture : ces toiles immenses telles des arbres de vie, des colonnes érigées à la splendeur et à la richesse du monde sensible, c’est à mettre genoux à terre.la musique, et la poésie qui disent sans démontrer les arcanes de l’ âme me sont indispensables.

Nicole DENOIT, céramiste

J’aime la « précise imprécision » de la formule que le poète Francis Ponge invente pour expliquer la naissance et le placement des végétaux sur la surface du globe, soit une « loi des indéterminés déterminants ».

Il me semble que les formes qui sortent de mes mains naissent ainsi.

 Certes, elles ne s’apparentent pas toutes au domaine du végétal, du moins je n’en décide jamais ainsi. Certaines, en effet, sont très minérales et nous parlent d’une terre brute, d’une terre du commencement. 

Les formes aléatoires que je sculpte dans la terre, je les porte inlassablement. D’une œuvre à l’autre elles se répètent en se dissemblant, elles se font écho avec une obstination qui pourrait sembler calculée, dessinée et cependant elles sont toujours impensées, improbables et pourtant nécessaires. Je reviens sans cesse vers elles sans l’avoir décidé. 

Les formes s’imposent à moi et me deviennent immédiatement familières. Très vite, généralement, je peux leur donner un nom. 

Pour ces sculptures de terre, ma préférence va souvent à la cuisson grès qui donne aux émaux, à très haute température, l’occasion de se révéler en me surprenant. A ce stade encore la prévisibilité s’enrichit de l’imprévu. 

Sans que la démarche soit systématique, j’aime particulièrement reprendre certaines pièces, les réémailler, les recuire pour les voir évoluer en même temps que moi. Je leur redonne une autre vie qui me convient mieux à un autre moment.

Je travaille souvent dans la perspective d’emboitements, c’est-à-dire que certaines formes sont conçues et cuites séparément mais dans la perspective d’une superposition possible, jamais imaginée avec précision mais au contraire livrée à l’aléatoire d’une inspiration puis d’une cuisson qui réduit les volumes et rend au final l’équilibre risqué, incertain.

Si je devais désigner dans mon travail la forme qui m’est la plus chère, je choisirais la sculpture que je dis « mobile », c’est-à-dire celle que je peux « déshabiller » selon les saisons de l’imaginaire, lui enlever progressivement toutes ou certaines parties posées en équilibre sur un « corps minimal ».

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